Absolument pas
Rhacodactylus, mais je ne peux pas t'en vouloir puisque je ne sais pas moi-même ce que c'est.
La suite (ou plutôt le début) :
Le trajet est éprouvant, Orly-Kuala Lumpur-Bali, puis le lendemain, Bali-Jakarta-Padang.
Je crois pouvoir écrire sans me tromper que les dix membres du groupe étaient carbonisés jusqu’à l’os en arrivant à Bali. Nous somme accueillis à l’aéroport par André, artisan balinais qui organise notre périple. André est ébéniste, construire des meubles est son activité principale. Comme il est aussi chasseur sous-marin, il met à profit son talent pour construire de très beaux fusils en bois, qu’il vend dans le monde entier. Ses armes sont malheureusement, d’après ce qu’on entend à droite et à gauche, assez peu durables dans le temps, avec des problèmes de délamination, et de déformation du bois. Comme il a néanmoins un potentiel indéniable, gageons qu’il saura corriger ce défaut dans le futur avec des bois de meilleure qualité (un bon teck pour construire un fusil doit sécher dix ans). J’ai vu ses dernières réalisations, et c’est beau, ça a l’air solide et ça inspire confiance. Voici donc l’équipe au complet, réunie dans les ateliers d’André (André, c’est celui qui ressemble à Jackie Chan) :
André fait armer un bateau, mais il n’est pas encore prêt. Nous partons donc sur le D’Bora, basé à Padang (Sumatra), un charter spécialisé dans le surf et qui accueille pour la première fois des chasseurs sous-marins, ce qui nous posera quelques problèmes que je détaillerai ensuite.
Pour l’instant, et afin de nous remettre de la fatigue du voyage, nous jetons notre dévolu pour notre soirée à Bali sur un resto de haut rang, où je crois pouvoir dire que nous avons fait un dîner de rois :
Très très épicé, mais j’ai rarement aussi bien mangé, pour un prix qui serait dérisoire en Europe.
Départ pour l’aéroport le lendemain au lever du jour :
Nous sommes accueillis à Padang par l’adorable Mis, qui nous ouvre sans attendre sa glacière remplie d’un choix de sodas et de bière glacée, avant de nous diriger vers le guichet d’Air Asia où nous changeons notre trajet de retour Padang-Bali-Kuala Lumpur pour un direct Padang-Kuala Lumpur, ce qui a été relativement facile mais aurait été abominablement compliqué sans l’appui de notre hôtesse. Je dois aussi signaler que les tribulations aéroportuaires d’une troupe d’Européens indisciplinés et pour certains très approximativement anglophones flanqués d’une montagne de bagages sont simplifiées à l’extrême par la présence d’un André dans les rangs…
Voici Mis :
Les rues de Padang :
Avant de rejoindre le bord, nous nous restaurons dans un établissement plus que typique, qui ne doit pas très souvent voir passer des tronches de blancs, où on mange avec les doigts une nourriture pimentée à la limite du supportable. Pour moi, ça se passe bien, et je dirais même que je me régale, mais d’autres font une drôle de gueule…
En sortant de table, nous rejoignons le D’Bora :
Et c’est enfin parti pour l’aventure :
J’ai laissé entendre que c’était moyen au niveau de la chasse elle-même, je crois surtout qu’André et l’équipage du D’Bora avaient une idée assez inexacte du profil des clients, et qu’ils ont eu une drôle de surprise en nous voyant déballer l’artillerie alors qu’ils s’attendaient à des gus peut-être plus « standards » qui se satisfont de tirer des poissons de récif de quelques kilos :
Imaginez, en plus de tout cet attirail, dix bonhommes en combi et deux marins :
dans un unique aussi petit bateau alors qu’il en aurait fallu trois. Et évidemment chacun équipés d’un sondeur et d’un GPS, ce qui est absolument inutile pour trouver les spots de surf mais qui nous a cruellement manqué.
Les tableaux ont donc été fort modestes, l’ami André ne connaissant pas la zone et nous envoyant donc à la flotte au petit bonheur la chance. Le premier jour a vu la capture de quelques barracudas et carangues, donc un spécimen de 14 kg (des bêtes de plus de 40 kg ont été vues tout au long du séjour sans pouvoir les approcher). J’y ai vu (loin et en un éclair) un espadon-voilier, et le premier quinquin du séjour. La suite a été une succession de presque bredouilles avant que nous ne fassions pression pour revenir au premier site qui était le plus poissonneux.
Les îles sont tout de même magnifiques :
Et on arrive quand même à manger un peu de poisson admirablement cuisiné :
Voici l’unique wahoo du séjour, j’en ai moi-même vu à une occasion, trois spécimens, mais j’ai lamentablement queuté mon tir :
et ce jour-là, Martial a remonté d’une profondeur de 26 m et au bout d’une apnée de 2 min 30 s, ce sublime mérou
Plectropomus leopardus de 15 kg :
Ce qui me rend malade, c’est que son frère jumeau est venu me renifler les fesses, dans 15 m d’eau à peine, alors que j’agachonnais sur une patate de corail en scrutant le bleu dans l’espoir que les deux monstrueuses carangues que j’avais repérées depuis la surface daignent revenir. C’est Erwann qui, d’en haut, a assisté à la scène ; je n’ai même pas vu le mérou.
De retour sur le premier spot, alors que j’étais en train de me préparer avant de quitter le bord, des cris retentissent : un des marins vient de saisir et de jeter sur le pont dans le même mouvement un serpent marin de très belle taille, plus de 150 cm. Capturer l’animal est un moment de tension extrême, mais une fois en main je peux le détailler : un très vieux spécimen, probablement une vingtaine d’années, à la tête difforme, couvert de tiques et couturé de cicatrices. Voici la seule photo dont je dispose, mon APN est un peu capricieux et le copain qui avait mitraillé dur n’a finalement sorti qu’un seul cliché (et avec un pareil nœud de venin dans les mains, j’avais autre chose à faire que de lui expliquer le mode d’emploi) ; j’attends que les autres m’envoient leurs photos, puisque tout le monde en a pris, et que je ne pense pas me retrouver avant longtemps avec un
Laticauda laticaudata dans les mains…
Une fois le serpent relâché et la tension retombée (j’adore la sensation de calme et de sérénité qui accompagne la descente d’adrénaline), tout le monde peut donc partir pour la chasse. C’est là que j’ai tué mes premiers barracudas. Pas très gros, mais la puissance de l’animal est surprenante, je ne pensais pas un poisson d’une dizaine de kilos capable de me couler :
Je ramène aussi ma première carangue géante (même si elle est petite)
Caranx ignobilis, et une très jolie carangue bleue
Caranx melampygus (probablement le meilleur sashimi que j’aie jamais goûté).
Dans l’ensemble, tout le monde a à peu près bien réussi, et nous pouvons donc présenter le résultat d’une journée de chasse normale, devant les yeux médusés de nos surfers qui ne s’attendaient certes pas à un tel tas de barbaque sur le pont de leur navire :
Je me suis fait ramener au bateau une heure avant la fin avec Patrick, lui parce qu’il venait de perdre sa pointe détachable dans un thon, moi parce que mon oreille tribord commençait à vriller, et au retour de la bande j’ai appris qu’Erwann, avec qui je fait normalement équipe, a fait la rencontre dont nous rêvons tous : voyant s’avancer sous ses palmes, à une douzaine de mètres, une masse sombre de taille colossale, il a pensé à un banc de poissons en rangs serrés lorsqu’il a entamé sa descente… pour se retrouver nez à nez avec un marlin de plusieurs centaines de kilos ! Un mouvement de peur, une cogitation rapide, et finalement un tir, là où il faut, dans le train arrière, mais avec du matériel bien trop léger pour un tel gibier, deux grands coups de queue et adieu poisson de rêve. Ce qui n’est pas plus mal d’ailleurs (puisque le marlin s’en tire avec une égratignure), parce pour tirer un tel animal, il faut pouvoir prévenir le bateau dans l’instant, et comme notre bateau a cinq binômes à gérer, nous ne le voyons pas souvent et il ne nous voit pas immédiatement lorsque nous l’appelons. Dans ces conditions, tirer un tel géant et se retrouver trois milles plus loin, dans une houle formée qui plus est, une demi-heure plus tard sans que personne ne soit prévenu, c’est de l’inconscience.
Je n’ai toujours pas tué mon thon à dents de chien, mais il y en a quelques-uns au tableau.
Pour fêter notre réussite, Tom, notre capitaine, nous emmène sur une île oubliée de tous sauf d’amis à lui qui y ont installé un bar, pour un barbecue sur la plage (qu’il dit). En fait de baraque en planches et de grillades sur le sable, je crois que je vais plutôt laisser parler les photos des lieux :
Voici la patronne de cet établissement de rêve, ainsi que Tom, et sa famille qui nous attendait sur place :
La bestiole est
Simias concolor, endémique des Mentawai et grand amateur de frites et de ketchup :
Le lendemain, retour sur les champs de bataille de la veille. Petit déjeuner douloureux de lendemain de bringue dans le carré du D’Bora :
Et enfin le voilà, même s’il est beaucoup moins grand que dans mes rêves, mon thon à dents de chien :
Un détail intéressant qui me laisse perplexe : pourquoi ces deux poissons de même calibre et appartenant à la même espèce, ont-ils pour l’un de gros yeux et de petites dents, et pour l’autre de petits yeux et de grandes dents ? Un dimorphisme sexuel ? Mystère…
Quelques images en vrac pour finir la pellicule :
Retour à Padang (après une traversée dans la tempête) :
Et quelques épiphytes pour faire joli :
Merci.